Portrait de Manager: Jean-Claude Fournier - Thalès Underwater Systems

14 septembre 2012

Jean Claude Fournier 150

Qu’est-ce qui m’a plu dans ce témoignage…et qui, je le souhaite, vous plaira aussi !

  • Un vrai cas d'école : je deviens chef de mon ancien collègue qui en plus ne travaille pas et demande à changer de service
  • le souci de l'équilibre constant entre les objectifs et les hommes
  • Revisiter un fondamental du management...avec Antoine de Saint-Exupéry

Pouvez-vous nous présenter votre société en quelques mots ?

C’est une filiale du groupe Thalès spécialisée dans la réalisation de sonars militaires tactiques pour la détection de bâtiments militaires ennemis ou la guerre des mines, notamment les équipements sur les sous-marins nucléaires.

Combien y a-t-il de collaborateurs ?

TUS SAS (France) comprend 1200 personnes.

Quel est votre parcours ?

J’ai commencé en tant Responsable Achat Equipement et Services sur la manutention et l’information chez Logic Line Operation (filiale logistique d’IBM) où j’ai ensuite pris la responsabilité du Service Achat, cela pendant 4 ans. Puis pendant 3 ans, j’ai été Responsable du Transport National chez Sony France, ce qui consistait à gérer tous les transporteurs et à assurer la livraison de tous les produits auprès des clients. J’étais le  premier « chargeur » hors alimentaire en messagerie d’Ile de France. Depuis 10 ans j’ai intégré TUS où j’ai été successivement Responsable des Achats de frais généraux, de prestations intellectuelles, de la sous-traitance des produits électroniques et acoustiques. Actuellement, je suis Responsable du Développement de la Performance du Service Achats et des Fournisseurs.
J’ai toujours eu des équipes, soit en hiérarchique soit en fonctionnel, de une à dix personnes y compris en multi-sites.

Pour vous, être  manager, ça veut dire quoi ?

Je vais essayer de faire simple, c’est définir des objectifs, arbitrer les priorités et maintenir la compétence et la motivation d’une équipe.

Quel est votre meilleur souvenir en tant que manager ?

D’abord peut-être un succès.
Lorsque j’ai pris la responsabilité du Service Achats dans ma première société, je suis passé du statut de collègue à celui de manager, et ce du jour au lendemain. L’un de mes collègues a demandé à quitter le service car « j’étais un « collègue super sympa », mais j’allais être un manager « super casse pied ». Notre N+2 lui a demandé d’avoir « l’intelligence d’essayer ».  Ce collègue passait plus de la moitié de son temps de « travail » à …gérer un orchestre et déclarait à qui voulait l’entendre qu’il « était toujours complètement débordé ». J’avais donc deux voies : soit ne rien faire et me discréditer auprès du reste de l’équipe, soit intervenir avec le risque qu’il demande immédiatement à changer, donc un échec pour moi. Ma tactique a consisté à ne lui donner aucune activité pendant un mois, strictement rien. Puis un soir alors que nous étions les deux derniers dans le service à m’inquiéter de « savoir s’il s’en sortait ». Il m’exhorta par deux fois à « arrêter mon char ». Je lui demandai donc si nous nous étions compris. Après sa réponse positive, je recommençais à lui assigner des missions jusqu’à ce qu’il passe moins de 10% de son temps sur ses activités personnelles. Pour un collaborateur de plus de 50 ans ayant toujours eu une paix royale, je trouvais le deal acceptable. Plus d’un an plus tard, lorsque j’ai quitté le service, je suis allé lui dire au revoir en lui confiant que je n’aurais pas parié sur le fait qu’il fut resté ; il m’a rétorqué que s’il était toujours là c’est qu’il y avait trouvé son compte.

A quoi attribuez-vous le fait qu’il y « ait trouvé son compte » ?

Je pense que j’ai écouté ce qui lui a fait peur, j’avais des collègues qui avaient l’impression d’être un peu sur une voie de garage, qui n’y connaissaient rien en micro-informatique, en ISO. J’avais en plus l’image de l’ancien officier para. J’ai cherché, pour lui comme pour les autres, à les aider à atteindre leurs objectifs J’essaie d’être clair, de définir des objectifs clairs, de vraiment faire des choix, fixer des priorités quitte à faire « tampon » si l’extérieur râle. J’essaie d’être pédagogue, de réellement développer les compétences, quitte à déléguer vraiment des  parties  intéressantes de mon job, tout en laissant à mes collaborateurs le choix de la méthode (et en me retenant de dire tout de suite « mais non, ce n’est pas comme ça que je ferais !). D’ailleurs, je fais pareil avec mes fournisseurs… ce qui les surprend toujours ! En général, les sociétés veulent que les fournisseurs travaillent exactement comme eux.
Je n’ai jamais eu peur de la concurrence de mes équipes, meilleurs ils sont, plus je serais gagnant au final en tant que manager. Même si je garde bien sûr mon rôle de manage et si je tranche si nous n’arrivons pas à trouver de point d’accord.

Et maintenant, une vraie fierté.
En arrivant chez Sony, j’avais un collaborateur qui avait fait 18 mois d’intérim et venait d’être embauché. C’était un « lanceur » qui ordonnançait les envois. C’est un job qui a un très fort impact organisationnel mais avec peu de reconnaissance hiérarchique. Il vient me voir un matin en me disant qu’il souhait évoluer vers une autre fonction. Je lui donne l’occasion de travailler de jour dans la gestion des transporteurs avec en échange pour lui, l’engagement de former son successeur et de s’assurer que tout se passe bien. Il prend rapidement des initiatives, « micro-manage » d’autres personnes de l’équipe, s’auto-forme et je l’accompagne en lui laissant le maximum d’autonomie. Un jour il « pète un câble » en m’expliquant que « je ne m’intéresse pas à son travail ». Je l’invite à déjeuner en faisant mon mea-culpa en lui expliquant que c’est tout le contraire. Sur la base de cet échange, nous créons une vraie relation de confiance, nous sommes plus en collaboration qu’en ligne hiérarchique. Je le forme à Access qui pour moi est un outil clé sur le poste qu’il occupe, et je m’appuie de plus en plus sur lui dans les négociations avec les transporteurs.  Lorsque je suis parti, mon patron m’a demandé qui pouvait me remplacer et, malgré son absence de diplôme, c’est lui que j’ai recommandé. Non seulement il a pris avec succès mon poste, mais quelques années plus tard, il est devenu…Responsable Logistique de Sony, soit le poste de mon chef !

Le pire ?

C’est aussi chez Sony, nous avions pris quelqu’un en intérim dans une logique de pré-embauche. Tous les critères me semblaient réunis pour valider l’embauche. Le DRH fait part de ses réserves. Je maintiens mon point de vue et je l’embauche. Dès qu’elle a été embauchée, celle collaboratrice s’est mise en roue libre, et j’ai passé plus d’un an à ramer pour réussir à la faire travailler quasiment au niveau que j’attendais. Je l’ai vécu comme une vraie erreur de jugement.

Qu'est-ce que vous aimez dans votre métier de manager ?

Le défi humain : comprendre comment fonctionne les gens pour les aider à se développer et à atteindre leurs objectifs. J’aime être surpris par la richesse et la diversité des comportements des gens.

Qu'est-ce que vous n'aimez pas ?

Rien.
Bien sûr il y a des moments désagréables, comme lorsque j’ai pu être amené à réduire la taille de mes équipes. Mais j’aime fondamentalement le management…et les achats !
Même sur les EAI, où parfois, il faut savoir gérer de la déception, de l’irritation, je trouve que ça fait partie des points intéressants.

Qu'est-ce qui a changé pour vous dans les relations en entreprise depuis le début de votre vie professionnelle ?

Indépendamment des notions de culture d’entreprise, le poids de la « crise » pèse sur les relations managers-managés : la logique de « l’objectif à tout prix » de la « compétitivité », l’apparition des primes individualisées. Nous sommes plus dans la gestion de la compétition, y compris entre les salariés, et moins dans la gestion des compétences.

A votre avis, qu'est-ce qui fait qu'un collaborateur atteint ses objectifs ?

Vaste sujet !
Pour moi il existe deux facteurs prépondérants :
-    Les objectifs doivent être à la fois ambitieux mais aussi REALISTES, d’ailleurs Saint-Exupéry l’écrivait dans le Petit Prince «Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner, reprit le roi. L'autorité repose d'abord sur la raison
-    L’accompagnement : Si le manager réussi  à tenir la motivation du collaborateur et à l’aider à rester focus sur son objectif

Comment les aidez-vous ?

Je fais un point hebdomadaire, au pire tous les quinze jours sur l’avancement  des objectifs et des principales tâches en cours.
Soit en individuel en achat, car il y assez peu d’interactions entre les personnes soit en collectif (par exemple en mode « crise » chez Sony)

La base line de Maestrio est "la dimension humaine de la performance", qu'est-ce que ça vous évoque ?

C’est juste au cœur du sujet ! C’est effectivement le principal levier du manager, c’est la clé du succès !

Qu'est-ce que vous aimeriez que vos collaborateurs disent de vous ?

C’est une question pour égocentrique ça ! Si devais vraiment y répondre ça serait que  j’ai trouvé le bon équilibre entre exigence et compréhension.

Qu'est-ce que vous n'aimeriez pas entendre ?

Que je ne m’intéresse pas à leur travail, ce qui signifierait que je n’ai pas réussi à montrer l’attention que j’y porte. Soit que je fais du « micro-management », le gars qui va te déplacer une virgule dans un mail sur  un contrat de 500 k€, par exemple.

Si vous deviez changer quelque chose à votre façon de manager, ça serait quoi ?

J’aimerais être encore plus entrainant, je crois que l’on n’a jamais assez d’enthousiasme !

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